La psychothérapie comme espace social de transmission

( Exposé lors de la journée « Figures contemporaines de la transmission » – Namur les 10 et 11 septembre 2007)

 I. Déclin de la fonction paternelle ?

 A la suite de Durkheim, Lacan, dans son article princeps sur les Complexes Familiaux, s’était alarmé du déclin de la fonction paternelle, dont on pensait qu’elle devait être le pivot de la transmission.

Zafiropoulos (2003 et 2001) a montré qu’avec Lévi-Strauss, Lacan revient sur sa conception durkheimienne et explore le champ de la symbolique sociale en même temps que celle du langage avec Ferdinand de Saussure.

Néanmoins, ce prétendu déclin a, depuis belle lurette, fait les titres des analyses, souvent alarmistes et pessimistes, concernant la perte des points de repères, les nouvelles pathologies, la démission des éduquants et des enseignants, la dérive d’un monde sans limite, les errements d’un homme sans gravité, les désordres de la famille, l’infamille, la fin de l’autorité et la dérive sociale vers une perversion ordinaire. On peut reconnaître dans cette énumération une série de titres des dernières années, ouvrages dans lesquels les auteurs s’alarment, tentent de nous alarmer, des catastrophes prévisibles qui nous attendent, prenant ainsi le relais des cris d’orfraie des écologistes de tout poil concernant la fin prochaine de la planète terre.

Ce qui est interrogé dans la foulée, mais implicitement, ce sont les modes actuels de transmission, au moment ou la démocratie est devenue une exigence d’espace de liberté, de singularité, d’égalité, de droit à la différence, au moment où le masculin et le féminin se réassortissent. Michel Tort, dans son livre « Fin du dogme paternel » (2005), avait pour sa part analysé cette évolution sociale comme la fin prochaine de la domination masculine et l’apparition de nouveaux arrangements des rapports de parentalité. Sabine Prokhoris, dans « Le sexe prescrit » (2000), à propos de la différence des sexes, rappelait que l’ordre symbolique des sexes n’est pas une vérité dogmatique et que les psychanalystes n’en détiennent pas la raison. Fin d’un monde et non pas fin du monde. Par ailleurs Alain Renaut (2004) avait proposé une analyse intéressante ;il faut greffer, disait-il, ces phénomènes actuels qui nous inquiètent sur l’avènement et le maintien difficile de la démocratie. Un ouvrage récent de Guy Hermet, « L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime » (Armand Colin, 2007) annonce à son tour la limite de notre démocratie, au bénéfice d’un populisme assorti d’une gouvernance peu démocratique.

Comment transmettre alors que les figures d’autorité ont pâli ? Comment transmettre, alors que notre enfant est devenu la dernière amarre à laquelle on s’accroche après avoir largué toutes les autres ? Pour transmettre ne faut-il pas aussi pouvoir larguer l’enfant, devenu un objet érotique, prolongement de notre narcissisme blessé ? Est-ce que transmettre n’implique pas un travail du (dans le) narcissisme ? Est-ce que transmettre n’implique pas une rupture et l’assomption d’une perte, un vide chez celui qui transmet, corrélatif d’un vide chez celui qui reçoit ?

Que transmettre quand les technologies progressent à un point tel qu’on peutêtre rapidement dépassé ? Comment articuler le passé, le présent et l’avenir, alors qu’une fascination de l’objet nous fixe à l’immédiateté ? Comment enter le singulier sur le collectif et le collectif sur le singulier, alors que la crainte de l’étrangeté de l’autre nous confine dans un individualisme casanier ? Ce qui fait dire à Luc Ferry : « Familles je vous aime » ! »

II. Évolution et fonction des psychothérapies

Depuis l’avènement de lapsychanalyse on a assisté, en soixante ans, à un développement exponentiel des psychothérapies en Occident. A un point tel qu’une boutade laissait entendre que la moitié des américains était en psychothérapie chez l’autre moitié ! D’un certain point de vue, c’est sans doute heureux : des conflits névrotiques handicapent la vie individuelle et la vie sociale ; ils ont pu se dénouer moins dramatiquement qu’avec un cortège de symptômes qui résistent aux anxiolytiques et aux antidépresseurs. Mais d’un autre point de vue, on peut se poser la question que Lacan avait ouverte : quel type de fonctionnement social a requis et permis l’apparition des symptômes névrotiques et des psychothérapies ? Au-delà des avancées de la nosographie psychiatrique et son renouvellement dans la psychanalyse avec la mise à jour des structures pathiques, admettons que la névrose par exemple, mais pourquoi pas la psychose, la perversion et les dépendances ? est aussi liée à un certain type de fonctionnement social, à un certain type de lien social dans un espace économico-politique donné. Qu’est-ce que le fonctionnement social ne peut plus prendre en charge du destin humain, à la fois individuel et collectif, qui requiert une prise en charge individualisée dans l’obscur cabinet d’un psychanalyste ?

A y regarder de plus près, ce mouvement d’individualisation dramatiquedu destin s’est mis en place dès le VIème siècle avant Jésus-Christ, un peu avant la mise en forme tragique du théâtre grec. J’ai montré ailleurs qu’on peut considérer l’apparition des mystères d’Eleusis comme les prémices des psychothérapies modernes, quand chacun se voit confronté aux exigences de devoir symboliser les mystères de la vie et de la mort, du sexe et de la reproduction, du désir, de la rivalité meurtrière et de la frustration, de la séparation entre les dieux immortels et les hommes, toujours désignés comme « mortels » dans la tragédie grecque (Robinson, 1998).

En fait, on peut considérer avec les historiens qu’un mouvement lent et irrésistible s’est produit vers une intériorisation du conflit (qu’on dira plus tard pulsionnel), à partir de son expression dans la mythologie religieuse et en passant par une forme intermédiaire, le théâtre grec. C’est là en effet que les conflits pulsionnels accèdent à la scène publique, mais aussi à une participation empathique identificatoire. Il y s’agit déjà de la subjectivité naissante de chaque citoyen. L’helléniste Jean-Pierre Vernant a montré cette parturition du sujet à l’occidental. (1989 et Michels, A., 1992) En effet l’émergence du sujet citoyen, responsable devant sa conscience et coupable de ses fautes, celui qui est d’ailleurs la référence du sujet « normal » des sciences sociales, en tout cas des pratiques sociales, cette émergence se fait lentement à travers l’évolution des mythes grecs, du théâtre, de la philosophie, de la « citoyenneté », puis de l’aire chrétienne, de la philosophie des Lumières et de la révolution.

Au XIXème siècle ces conflits éthiques ont été presque complètement intériorisés, ou pourrait dire « introjectés » pour reprendre un concept de Ferenczi, au moins dans la bourgeoisie européenne et occidentale. L’espace psychique s’est donné un théâtre privé. Le sujet est dorénavant requis pour assumer son histoire et plus seulement l’histoire collective. On a assisté à une appropriation subjective du conflit moral, qui progressivement a quitté l’espace social pour s’individualiser. Dans l’espace social ne subsistera, provisoirement du moins, que la lutte des classes, des langues et des nations. De la même façon que les religions collectives s’étaient individualisées dans les mystères d’Eleusis, entreprise essentiellement personnelle et individuelle que chaque « croyant » doit effectuer une fois dans sa vie pour envisager un vie heureuse après la mort, ne peut-on pas considérer que la subjectivité moderne, qui appelle l’apparition des psychothérapies, est l’accentuation d’une introjection ? L’introjection est considérée par les tenants du modèle de Szondi (école de Louvain) comme une des possibilités de fonctionnement de la question du sujet à la fois singulier et collectif (Robinson, 2003). Le sujet crée un espace intérieur, à partir duquel il se définit, dit oui à lui-même, assimile des contenus psychiques. Cette fonction du Moi sera d’emblée problématisée par la position inverse : le refoulement, dire non à soi-même, refuser de s’assimiler à des contenus psychiques. Ces deux dimensions, affirmation et négation, Bejahung et Verneinung, sont les conditions du sujet moderne et de la psychanalyse. Dans le même mouvement où le psychisme s’autoconstitue par introjection (dire oui à une réalité intérieure), il se scinde lui-même par refoulement (dire non à cette réalité, la nier, la cacher) au bénéfice d’une illusoire adaptation sociale. On peut donc dire que, les psychothérapies aidant, la transmission s’est déplacée du côté de la subjectivité. Tout se passe comme si on « devait » devenir soi-même, au prix d’un conflit interne, parfois insoutenable. Les angoisses névrotiques (sans objet justifié dira-t-on), les phobies, les compulsions irrépressibles et irrationnelles, les « crises » à vocation théâtrale, les symptômes physiques que la médecine scientifique ne comprend pas et relègue aux affections « nerveuses »,soit la litanie des symptômes dont s’occuperont les psychanalystes, deviennent les témoins des cette intériorisation du conflit.

Dans le même temps, sans doute, selon la thèse de Durckheim, et Lacan à sa suite, la puissance paternelle s’est modifiée, les repères d’autorité ont été ébranlés, la démocratie a fait son œuvre. Dans un mouvement à peu près synchronisé, l’homme normal du XIXème siècle est aux prises avec un Surmoi intérieur qui lui procure des tourments, et, dans le champ social, la puissance paternelle décline au bénéfice de plus d’égalité. On peut donc considérer, avec Lévi-Strauss et Zafiropoulos, entre autres, que les psychothérapies, alias la psychanalyse, venaient pallier à un défaut de transmission sociale concernant le procès de subjectivité.

En effet, la psychanalyse a mis en place une éthique du procès subjectif, du lien social et de la transmission, qui se différencie des éthiques dominantes actuelles. Cette éthique de la psychanalyse est bien loin de celle qui semble orienter ce que j’ai appelé une économie de l’objet, et à sa suite certaines formes du lien social, éthique du rapport social inspiré des lois marchandes de l’offre et de la demande. L’éthique psychanalytique est centrée sur le sujet de l’inconscient, lui-même soumis aux lois qui régissent la symbolique humaine, celle du langage et de la transmission. Ce n’est donc pas l’éthique du jouir avant tout.

Ce n’est sans doute pas par hasard si depuis quelques années, du moins en France, les métiers de l’humain, classiquement ceux qui veulent prendre en charge l’homme tel qu’il est, sans en oublier l’essentiel (Dartiguenave et Garnier, 2003), ne cessent de s’appuyer sur l’éthique de la psychanalyse, version lacanienne. Même si l’éthique de la psychanalyse n’a pas à se proposer comme éthique sociale de remplacement (Vergote, 1997), les avancées intellectuelles produites par les psychanalystes ne sont pas sans effets, semble-t-il, sur l’évolution de la pensée.

 

3) Comment se transmet la psychothérapie, version psychanalyse, version psychodrame ?

Pour étayer cette hypothèse (les psychothérapies comme espace social de transmission), prenons l’exemple de la transmission du psychodrame, telle qu’elle s’est mise en place sous l’influence des écoles de psychanalyse. Le psychodrame est une technique psychothérapeutique inventée par Jacob-Lévy Moreno (1889-1974). Elle consiste essentiellement à faire jouer des scènes de la vie quotidienne aux patients en difficultés personnelles. A cette fin, le patient (appelé dans le jeu protagoniste) choisit des acteurs parmi les autres patients du groupe, ou les thérapeutes s’ils sont plusieurs. Les autres acteurs, au service du protagoniste, sont appelés antagonistes. En France, le psychodrame s’est développé sous la houlette des psychanalystes (Mireille Monod, Anne Ancelin-Schützemberger, Serge Lebovici, Didier Anzieu, Daniel Widlöcher, Gennie et Pol Lemoine, Serge Gaudé, Ophélia Avron, Jean-Marc Dupeu…), qui y ont vu une cure psychanalytique particulière, plus abordable pour les patients qui ne pouvaient s’engager dans une cure classique sur le divan. On en est toujours à tenter d’en  comprendre les indications spécifiques.

Décrivons d’abord rapidement le processus de formation, avant de l’analyser dans le sens de l’hypothèse.

Pour devenir psychothérapeute utilisant le psychodrame, le dispositif didactique implique d’abord deux pré requis essentiels :

– une formation suffisante aux sciences humaines, au groupe et à la clinique,
– et une expérience personnelle thérapeutique poussée suffisamment loin.

Dans le groupe didactique lui-même chaque participant est invité, à chaque séance, à jouer les questions en suspens de son histoire, ou à animer le jeu d’autres participants.

Chacun fait autant d’années de didactique que nécessaire : le trajet est singulier, selon les dispositions, les antécédents, les résistances, la créativité…Cette particularité de transmission est en rupture avec l’usage académique qui veut que chaque étudiant doive pouvoir se former selon le même protocole : mêmes cours, même durée,… L’étape suivante de la formation implique que l’impétrant s’engage dans des stages supervisés, dans lesquels il a la responsabilité de son groupe de psychodrame. A partir de sa pratique, il cherchera ensuite à se faire reconnaître par ses pairs dans des séminaires théorico-cliniques, construisant et relativisant un savoir en le partageant. Eventuellement, il se soumettra à l’épreuve de la « reconnaissance », qui veut qu’il présente et défende une théorisation de sa pratique dans un mémoire devant un jury de psychodramatistes.

Comment analyser cette transmission ?

L’expérience personnelle, singulière, requise est un impératif nouveau de transmission. On le doit à  Jung et à Ferenczi. Chacun doit passer par là. Chaque psychanalyste doit avoir lui-même fait l’expérience de la cure psychanalytique. Remarquons l’originalité de cette transmission : on ne demande pas à un médecin d’avoir été malade des maladies qu’il soignera ; on ne demande pas à un travailleur social d’avoir vécu les situations sociales dans lesquelles se trouvent ses futurs bénéficiaires.

Dans le groupe didactique le passage constant du rôle de patient au rôle de thérapeute est spécifique à cette éthique de la transmission. Il n’y a pas de solution de continuité entre ces deux registres de l’être : être en souffrance et être thérapeute. C’est à la fois une révolution dans les processus de formation à visée scientifique et un retour à d’anciens modes de transmission.

– Révolution dans la mesure où, contrairement à la formation des médecins qui n’engagent pas leur subjectivité dans le processus de formation, le futur psychothérapeute doit lui-même être d’abord patient, doit se laisser interpeller par ses failles pathologiques, par la part obscure de lui-même, pour reprendre le titre d’un livre récent d’Elisabeth Roudinesco (2007). Cela suppose évidemment une autre conception du normal et du pathologique. C’est celle que Freud a inaugurée, en rupture avec les conceptions de son époque (Robinson, 2005).

– Retour à d’anciens modes de transmission dans la mesure où la formation des chamans et des guérisseurs traditionnels se faisait selon le même schéma. Cette exigence rapproche les thérapies psychanalytiques et le cursus des formations des psychanalystes des médecines traditionnelles, telles que François Laplantine les décrit : le soignant est un ancien malade (1992). Chaque futur thérapeute doit avoir été confronté à ce qui est en souffrance, chez lui.

L’expérience didactique de formation au psychodrame implique, dans la version psychanalytique, qu’on analyse l’histoire même de ses déterminismes psychiques et sociaux. L’expérience de transfert implique qu’on traverse des émotions (pour utiliser l’expression d’Aristote concernant le ressort de la tragédie), c’est-à-dire qu’au-delà de la reconstruction remémorante de son histoire, des affects archaïques, parfois intenses, sont actualisés dans la situation de relation avec le thérapeute ou le formateur. Dans l’expérience psychodramatique du jeu , le rapport au savoir et à autrui est modifié par le dispositif : le savoir est déconstruit et l’autre s’absente, puisque chaque acteur ne joue que ce que le protagoniste a lui-même suggéré dans la mise en scène. Mais dans la façon concrète de jouer, l’antagoniste peut faire voir au protagoniste les faces cachées de sa mise en scène. L’animateur est là pour créer les conditions de la surprise, l’observateur pour faire entendre ce qui est encore inouï. Le savoir n’est donc pas du côté du sujet supposé savoir, le psychodramatiste ou le psychanalyste, comme dans tout rapport d’autorité parentale, d’enseignement, médicale ou de politique sociale, mais il est enclavé, incrusté au cœur même de l’expérience intime du sujet « à venir », dans son histoire qui est en même temps l’histoire des hommes.

Et enfin, le dispositif de la mise en scène et du jeu, pivot de la transmission, opère un passage d’une demande  singulière  par un collectif. En effet, la mise en jeu ne commence que quand l’animateur de séance s’est assuré que la scène demandée renvoie d’une façon ou d’une autre à des problématiques que d’autres peuvent partager : l’amour, la mort, le désir, la jalousie, le deuil, la rivalité, la frustration…De telle sorte que la scène est en même temps singulière (une scène concrète de l’histoire du protagoniste) et collective (une problématique que nous rencontrons tous, d’une façon ou d’une autre).

Du singulier au collectif et inversement : ce passage me paraît être la structure même des transmissions humaines.

Le travail de Serge Gaudé (psychanalyste et psychodramatiste français)  permet de faire voir cette structure spécifique du jeu psychodramatique (1998).

Dans son analyse Serge Gaudé tente de comprendre comment les échanges langagiers entre les participants d’un groupe de psychodrame vont s’articuler de telle sorte qu’ils traduisent le travail d’un sujet à la recherche d’un sens par la parole. Si le psychodramatiste y met du sien, cette recherche peut devenir discours, discours de séance. À deux conditions, dit Gaudé :

a)      qu’il y ait adresse à quelqu’un ( ce qui pour les lacaniens renvoie à l’autre ou à l’Autre, sans lesquels nulle transmission n’est possible).

b)      que le questionnement fasse auditoire (il n’y a pas de transmission sans un collectif, ce qui renvoie en même temps à l’universel de la structure).

Alors, dans ces aléas de discours qui peuvent mener à un jeu, précise Gaudé, et suite aux interventions du psychodramatiste, à la cantonade, le participant comme sujet désirant, individu concret, se trouvera provisoirement mis entre parenthèses. C’est cette mise entre parenthèses qui m’intéresse. Quand le sujet est entre parenthèses, qui est-il ? Où est-il ? Comment comprendre ce ressort propre au psychodrame que Gaudé juge indispensable ?

Parler à la cantonade : c’est parler à quelqu’un supposé être dans les coulisses, quelqu’un qui n’est pas là ; c’est parler à un groupe sans s’adresser précisément à quelqu’un. Le sujet est mis entre parenthèses, notamment comme interlocuteur immédiat. On peut comprendre ici la double écriture que Lacan utilise pour désigner l’altérité qui nous constitue : l’autre (avec un « a » minuscule) comme étant l’autrui concret dont nous ne pouvons nous passer, auquel nous nous raccrochons parfois, toujours en partie reflet de nous-mêmes ; et l’Autre ( avec un « A » majuscule, appelé aussi le grand Autre), qui renvoie à ce qui nous dépasse et nous constitue cependant : le système symbolique qui nous fait parler et qui définit les places que nous occupons dans le champ de l’échange, les puissances imaginaires que nous projetons, les dieux tutélaires et menaçants, les logiques des mythes qui fondent notre « société » particulière…). On voit donc les deux dimensions singulière et universelle de l’autre.

Cette analyse de Gaudé indique à quel point le psychodrame opère un passage du singulier au collectif, ou, mieux, un passage du singulier  par un collectif.

Je pense que c’était à l’origine l’intention même de Moreno, même si les psychanalystes n’ont pas pu le lire comme tel, tant les accents humanistes des écrits de Moreno leur déplaisaient.

Du côté du singulier je vise cette dimension du sujet de l’inconscient telle qu’elle s’est mise en place chez Freud progressivement, et que Lacan a développée. C’est en cela que la psychanalyse, dans la cure, fonde une éthique : l’enjeu majeur de la cure c’est de devenir sujet de son désir ; cette question est particulièrement aiguë dans les névroses. 

Où est le sujet de l’inconscient dans l’irrationalité des symptômes ? Qui est-il ? En quoi le sujet est-il engagé dans la répétition symptomatique dont il se dit en même temps insatisfait ? En quoi est-il engagé dans une demande de jeu en psychodrame, dans une adresse au groupe ou au psychodramatiste ? Freud nous l’a montré, il y est question du sujet archaïque, tel qu’il s’est mis en place dans l’histoire psychique, elle-même contingente des conditions sociales et familiales. Le sujet s’y révèle déjà un collectif, résultat des apprentissages, des usages, des identifications, dont la dimension cachée reste la plus importante.

Donc, dans le même mouvement, la question du sujet est articulée au collectif familial, au collectif culturel, au collectif social, c’est-à-dire aussi au collectif en tant qu’il est toujours déjà universel pour les êtres de langage que nous sommes. Au collectif en tant qu’il est le lot, le destin, de notre structure commune d’être parlant. L’humain est déjà structuré avant nous. Le collectif c’est ce que tous les humains qui nous précèdent ont produit et déposé dans la langue, dans les usages et les outils, dans les rôles et les normes, dans les mythes et les imaginaires sociaux.

C’est par une lecture parallèle de deux textes fondateurs, « Le symbolisme dans le rêve », de Freud (1965) et le « Discours de Rome », de Lacan (1966), que peut apparaître ce rapport du singulier et du collectif au fondement d’une éthique psychanalytique et, c’est mon hypothèse, comme le pivot de toute transmission humaine.

Trois citations rapidement :

D’abord de Lacan :

« L’inconscient est cette partie du discours concret en tant que transindividuel qui fait défaut à la disposition du sujet pour rétablir la continuité de son discours conscient », ou encore : «  L’inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge : c’est le chapitre censuré. Mais la vérité peut être retrouvée ; le plus souvent déjà elle est écrite ailleurs » (Lacan, 1966 : 319)

Une phrase de Freud peu connue, un peu plus longue :

 » Le symbolisme constitue peut-être le chapitre le plus remarquable de la théorie des rêves,  … (Les symboles) nous permettent, dans certaines circonstances, d’interpréter un rêve sans interroger le rêveur qui d’ailleurs ne saurait rien ajouter au symbole…Le symbolisme n’est pas une caractéristique propre au rêve…Le rapport symbolique est une comparaison d’un genre tout particulier et dont les raisons nous échappent. Les objets qui trouvent dans le rêve une représentation symbolique sont peu nombreux. Le corps humain, dans son ensemble, les parents, les enfants, frères, sœurs, la naissance, mort, la nudité…Comment pouvons-nous connaître la signification des symboles des rêves, alors que le rêveur lui-même ne nous fournit à leur sujet aucun renseignement ou que des renseignements tout à fait insuffisants ? Je réponds : cette connaissance nous vient de diverses sources, des contes et des mythes, de farces et facéties, du folklore, c’est-à-dire de l’étude des mœurs, usages, proverbes et chants de différents peuples, du langage poétique et du langage commun… Je n’affirme pas que le rêveur sache tout cela, mais j’estime aussi qu’il n’a pas besoin de le savoir…Le rêveur a à sa disposition le mode d’expression symbolique qu’il ne connaît ni ne reconnaît à l’état de veille…Les rapports symboliques n’appartiennent pas en propre au rêveur…On a l’impression d’être en présence d’un mode d’expression ancien, mais disparu.  « .(Freud, 1965 : 168)

Nous voilà confronté, dans ces « passages », non seulement aux obscures questions qui fondent et orientent notre humanité : l’origine de la vie et du désir, la différence des sexes et la différence des générations, la toute puissance et la mort, mais aussi au fait que « tout cela nous échappe ». Ce qui signifie que, si cela nous échappe, la transmission de l’esprit, comme le dit Alain Didier-Weill (2007), « interrompt la monotonie de ce qui se répète ». La transmission implique la coupure, la discontinuité, contrairement à ce qu’on pourrait croire d’abord. Elle engage donc, dans un mouvement paradoxal, à la fois la discontinuité et la continuité. Elle est le contraire d’une répétition monotone.

Quelles sont les figures contemporaines de ces obscurs objets de la transmission, si on la ramène à la dimension symbolique de notre humanité? Luis Buñuel ne nous a-t-il pas mis sur la voie avec son « obscur objet du désir » ? On ne peut avoir que si on renonce. On ne peut transmettre que si on perd quelque chose.

4) Conclusion

La psychanalyse et les psychothérapies qui s’en inspirent, prennent-elles en charge l’homme oublié dans le travail social, l’homme oublié dans les autres modes de transmission (éducation, enseignement, échange social, espace publique et politique, espace commercial de rêve et de consommation, relation au médecin…)?

Les psychothérapies d’inspiration analytique sont-elles au centre d’un espace social de transmission où la mort, la finitude, l’impuissance, l’autre…sont considérés comme les limites de l’expansion subjective ? En effet, depuis l’avènement du sujet moderne n’a-t-on pas assisté à un développement démesuré des exigences de toute puissance du Moi à travers la consommation et l’économie de marché, ce que j’appelais plus haut, en terme d’économie psychique, « économie de l’objet » où l’objet à consommer, ou l’objet érotique tout simplement, capte le sujet dans la répétition incessante et l’oblitération de sa responsabilité ? Évanescence donc du sujet responsable, c’est-à-dire de cette part collective du sujet.

La psychanalyse est-elle le seul lieu de transmission où le sujet est invité à affronter, élaborer et dépasser la question de la castration, c’est-à-dire la question de la limite de sa toute-puissance imaginaire et égocentrique, seule voie d’accès à la dimension éthique du collectif et du social ?

Pour répondre à cette question, j’ai examiné la structure de transmission que proposent certaines psychothérapies. Le psychodrame de groupe a été pris comme exemple.

Tant du point de vue de sa fonction sociale (recevoir les souffrances et  y répondre : psychodrame thérapeutique) que du point de vue de sa transmission (psychodrame didactique), son efficacité propre tient, me semble-t-il, dans la structure du jeu de représentation : opérer un passage du singulier par un collectif dans une fiction.

Ce passage et cette fiction, impliquent un temps de « désubjectivation », espace fictif vide de sujet, nécessaire à une reprise appropriante des questions obscures et mystérieuses abordées, dans la direction d’une histoire à la fois singulière et collective.

Transmission donc, dans différentes directions de sens : courroie de transmission, cession, passation, transport d’un lieu à un autre, passage… De quelles fictions aurions-nous besoin dans les dispositifs sociaux pour faire la place à des transmissions créatrices et renouvelantes ? Nous connaissons les modèles du théâtre et, peut-être du cinéma, à côté des autres espaces de création : littérature, musique, peinture, photographie, sculpture…N’est-ce pas aussi le propre de l’architecture et de l’urbanisme de proposer de telles fictions dans lesquelles le singulier et le collectif peuvent se conjuguer et se délier ?

Bibliographie

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Expérience de psychodrame en milieu scolaire

Dans le domaine scolaire, les préoccupations actuelles tournent autour de la violence en général et de situations particulières de violence telles que :
·        Le racket
·        Le règlement de compte entre parents au sein de l’école
·        Les règlements de compte entre élèves
·        L’agression d’enseignants par des parents eux-mêmes
·        La violence du petit enfant en âge d’école maternelle (l’enfant « sauvage », roi, en manque du manque…)
·        La violence verbale comme pathologie de l’agressivité, prothèse identitaire, déni de l’angoisse, pulsion partielle…
·        Les bagarres qui invalident
·        La détention d’armes (blanches, à feu…)
·        Les trafics illicites (drogue…)
·        Les automutilations
·        Les jeux de groupe aux « limites » ( du foulard, catapulte sur les murs…)
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·        Les détériorations du matériel scolaire y compris sur les voitures des enseignants (carrosserie griffée, essuie-glace brisés…)
·        Menaces verbales sur les enseignants
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Mais qu’est-ce que la violence ?
 
Le mot « violence » vient du latin « violentia » qui signifie « abus de force ». « Violent », provenant du latin « violentus » signifie « qui agit ou s’exprime sans aucune retenue ».
La violence intrinsèque à tout individu est déjà présente chez  le petit enfant en pleine phase d’oralité notamment (« je veux survivre, vivre et être plein »). A ce niveau l’énergie est centripète. L’enfant ramène tout à soi pour reformer un tout. La violence bataille contre le manque. C’est une violence défensive habitée par la crainte de disparaître. Mais cette violence restera violence si elle n’est pas soutenue au départ, entendue et contenue pour pouvoir se transformer en agressivité. L’enfant a besoin d’être protégé dans un premier temps  pour se construire et ensuite être confronté à un tiers pour poursuivre son évolution et canaliser sa violence.
La violence est inscrite en tout individu déjà aussi au niveau du stade oedipien car l’autre est un rival qu’il faut éliminer !
La violence contenue est transformée en agressivité. Celle-ci implique la pensée, du tiers.
La violence  reflète l’incapacité de penser, l ‘absence d’inter-dits. Elle envahit l’autre (cf. violence d’emprise, de possession, par négligence, par refus du conflit). Dans notre société hypermaternante elle signifie une faille de la fonction paternelle.
 
Des voies possibles par le psychodrame :
 
Lieu de parole, d’expression et d’action cadrée, le psychodrame peut offrir des moyens qui aident à sortir de la violence :
·        Donner du cadre, contenir, soutenir, accompagner
·        Permettre une « rencontre » grâce à l’empathie et la confrontation (proximité et distance ; présence-absence ; plaisir-insatisfaction)
·        Lieu pour le symptôme
·        Travail du pulsionnel pour le dépasser
·        Sortir de la relation binaire. Ce n’est plus toi ou moi mais toi et moi et nous
·        Amener du tiers, trianguler, sortir de l’escalade.
·        Retrouver le désir
·        Renouer, recréer du lien
·        Se reparler
·        Libérer les émotions
·        Lieu de travail des angoisses, de travail sur soi, sur ce qui se joue entre les personnes
·        Lieu où l’histoire du sujet peut reprendre un sens (repérer les ruptures, les nœuds…)
·        La place donnée au groupe et non plus à l’individualisme
·        Permet une catharsis : l’expression des émotions à une influence sur la santé, permet de revenir au désir
·        Lieu de symbolisation , de représentation, de remémoration. On s’y soigne en se remémorant. En se remémorant on rejoue. En rejouant on symbolise. On se « ré-origine ». On peut se soigner en symbolisant le non-approprié de l’histoire subjective vécue. Le tableau des années oubliées peut se ré-organiser dans une perspective devenue alors constructive.
 
Le psychodrame ne représenterait-il pas la métaphore des « trois marches » citée par Philippe Avron  (dramaturge et philosophe) dans son spectacle « Rire Fragile ».
 
Le trois marches :
 
Montant sur la première marche nous disons :
« Qu’est-ce que je fous là ? »
Sur la deuxième marche nous demandons à l’autre:
« Qu’est-ce que tu fais là ? »
Et arrivé sur la troisième :
« Où allons-nous ?
 
Cela ne ressemble-t-il pas aux trois questions essentielles posées par la philosophie à savoir  sur nos origines, notre identité et sur notre avenir ( d’ou venons-nous, qui sommes-nous et vers quoi allons-nous ?).
Nous sommes d’accord également avec Philippe Avron (encore lui) quand il dit que nous sommes les alchimistes de notre métamorphose.
En psychodrame nous montons les escaliers marche par marche afin d’atteindre un palier, un autre horizon.

Expérience de psychodrame avec des personnes handicapées mentales

Dans ma pratique psychodramatique avec les personnes handicapées mentales, les situations de violence sont pointées et analysées au cours des séances. Repérer les séquences que je qualifierais de violentes sont extrêmement utiles afin de chercher des explications de fonctionnement inter-relationnel et intra-psychique et trouver des issues à la souffrance qui est exprimée la plupart des cas inconsciemment. Dans la vie quotidienne, également, des moments de violence entre des personnes handicapées mentales sont parfois très difficilement gérables par les éducateurs qui demandent alors un éclairage sur le fonctionnement mental des personnes impliquées si celles-ci participent également dans le groupe de psychodrame.
 
Comme mécanisme fondamental à l’oeuvre dans la plupart de ces situations je suis parvenu à identifier ce que l’on appelle l’identification projective.
Celle-ci représente un circuit défensif au cours duquel une personne déplace la source de son angoisse vers l’extérieur et transforme ses objets en objets dangereux ; mais finalement ce danger provient de ses propres pulsions agressives. Le « but » de cette « opération » est de contrôler l’autre et de maintenir, par clivage, le bon objet. L’autre devient alors le persécuteur. La personne fait du plus proche le locataire projectif de sa violence interne. L’angoisse est déplacée. J’ai donc pu repérer que Fidèle agressait Martia juste au moment où elle réprime et cherche à évacuer de la tristesse p.ex. en rapport avec la perte d’un parent. Martia devient le bouc émissaire des dénis des autres et donc porteuse des angoisses non-dites.
 
Il y a aussi des situations de violence liées à des fantasmes primaires violents, à la séparation et à la non-séparation. Je pense à Coriandre qui dans la vie quotidienne, harcèle les autres, les colle, les frotte. A certains moments elle essaye désespérément de s’asseoir sur les genoux d’autres personnes. Tout d’un coup elle tente de se blottir auprès d’une autre personne ou caresse son pull de manière frénétique comme si elle suçait l’autre. Lors de déplacement en camionnette, tout d’un coup elle « panique » (dixit les observations des éducateurs), veut absolument s’asseoir près du conducteur et mieux entendre la musique. Elle pousserait tout sur son passage pour y arriver. A certains moments elle devient donc dangereuse, incontrôlable et insaisissable. En général, lors des séances de psychodrame, Coriandre  est très calme, veut préserver son anonymat. Lors de certaines séances, par contre, elle semble éprouver un désir violent de fusion avec l’autre. Ce comportement ne se produit d’ailleurs qu’avec l’une ou l’autre participante dans le groupe très réceptive, cherchant aussi à se frotter à quelqu’un !
L’analyse des différentes situations me permet de repérer que ce désir pulsionnel semble relié à une angoisse non-maîtrisable et à une culpabilité considérable. Son sur-moi lié à une problématique identificatoire (faille dans le narcissisme) semble devenir non-fonctionnel, embryonnaire primaire.
Dans le ça il y a immédiateté et indifférenciation. la relation est anaclitique. L’équation devient ainsi: « coller l’autre = être sûr qu’il ne va pas nous quitter. Cette problématique a déjà été soulevée auparavant où le comportement « collant » semblait fortement lié au décès de son père vécu avec beaucoup de culpabilité. Il me semble aussi que nous sommes fort pris avec Coriandre dans une problématique de la distance-proximité. La question se pose avec elle de trouver la bonne distance: être ni trop loin (présence régulière des interlocuteurs, cadre, structure…)  ni trop près (ne pas trop la solliciter, lui renvoyer une image positive d’elle même, la valoriser…). Coriandre semble vivre des angoisses archaïques parfois bien camouflées mais qui ressurgissent inopinément. Il y a la menace que pose l’autre par sa simple présence , le danger de la proximité (si je suis dans l’autre, dans l’angoisse de l’autre, il faut que j’en sorte)et le passage à l’acte dans un rapproché avec l’équipe éducative. A certains moments c’est comme s’il n’y avait plus d’ambivalence : c’est elle ou moi (nous retrouvons la situation duelle, binaire évoquée plus haut). Il s’agirait davantage là d’une pulsion de vie et non de mort. Il s’agit de « détruire  »  pour survivre, d’une ultime tentative pour se ressaisir, d’une défense contre une menace sur l’identité. Le ça ne viserait comme réservoir d’énergie (« je suis bien vivante ») que la survie par l’immédiateté et l’indifférenciation comportementale.
 
Les réponses possibles du psychodrame :
 
Il constitue un contenant qui désintoxique les angoisses
Il favorise la symbolisation et la représentation
 
Un petit rappel :
 
La représentation :
 
La représentation est une re-présentation c’est-à-dire une présentation nouvelle.  Elle a une fonction de libération et de re-création. Elle constitue une reprise du vécu sur le plan symbolique (symbolisation). Elle permet à l’enfant d’accepter le traumatisme de la séparation sans en être détruit, sans non plus se réfugier dans l’imaginaire pur. Le jeu est là, précisément, pour maintenir en oeuvre la fonction de représentation qui lui permet en l’occurrence d’interpréter un fait nouveau au lieu de le subir. La fonction de représentation sert de clivage entre l’imaginaire et le réel. Elle sauve l’homme du délire en lui ouvrant le champ symbolique. Par la représentation, le mot commence par fonctionner comme signe c’est-à-dire non plus comme simple partie de l’acte mais comme évocation de celui-ci. « Parler, c’est désigner l’objet absent, passer de la distance à l’absence comblée par la représentation…. Penser, c’est se représenter mais dépasser les représentations. Les mots, les signes représentent la présence dans l’absence. Le langage « est » une présence-absence, présence évoquée, absence remplie. »
 
Il permet le redéploiement des identifications narcissiques
L’expression des affects permet d’éviter leur refoulement  et donc leur déplacement sur les autres
La technique du « psychodrame du territoire », notamment, tente de mettre fin à la confusion des barrières.
De façon générale, en psychodrame, nous pouvons trouver des  réponses possibles aux problèmes de la violence grâce aux vertus essentielles concentrées
dans le JEU :
Le jeu implique le corps :
 
Le jeu implique le corps et fait valoir non pas un corps qui agit mais un corps qui représente. Le jeu n’est pas une réalité. On sait que lorsque l’enfant joue, il n’y a jamais violence. Si le jeu devient un enjeu, une compétition, c’est pour le regard de l’adulte qui fait, par sa présence, réalité. La représentation neutralise la violence. La représentation a un effet cathartique dans le sens aristotélicien d’une purge.
Le jeu stabilise complètement le rapport au corps du sujet qui se trouve engagé dans un rapport d’excitation.
La répétition exprime une souffrance indicible. Il faut savoir rompre la répétition pour surprendre et passer à un autre plan car un enfant peut rester plusieurs années à jouer toujours à un même jeu répétitif.
 
Le jeu cimente le réel du corps avec le symbolique :
 
Le jeu est surgissement inattendu. Avec le jeu, on se heurte au réel à cause des règles, des contraintes du corps. Rappelons que le réel du corps est un corps qui confirme son appartenance au réel, cet impossible à dire, à travers les accrocs, les handicaps de l’organisme.
Le corps parlé est le corps symbolique, corps dans lequel le sujet peut s’inscrire.
Le jeu va porter le corps en avant. Le jeu va lier le réel du corps au symbolique, au langage, au discours. Le jeu va stabiliser l’enfant, sa pensée, et son corps. Le jeu stabilise mieux la pensée et noue le réel du corps à un discours adressé à autrui. Il est l’épreuve d’un lien social.
 
Le jeu entre le rêve et parole :
Le jeu, entre le rêve et la parole, amorce la réalisation des désirs. En donnant du plaisir aux actes qui mettent en scène les motivations internes, il lui donne une forme visible et palpable, comme une sorte d’échantillon.
Le jeu articulerait nos désirs à peine conscients avec la réalité extérieure. En mettant du plaisir dans les mises en scène, il crée un processus de familiarisation qui lie les mondes interne et externe.
 
 Le jeu est rencontre :
 
Le jeu est rencontre et non obligation. Celui qui veut obliger quelqu’un à faire quelque chose utilise une langue abrégée, une langue courte, une langue de court-circuit, une langue d’ordre: « Assis », « Gauche », « Droite »!
C’est une langue de signaux.
En thérapie, on alterne les deux types de langue : la fermeté, la direction de la cure, l’autorité puis à d’autres moments les plus importants le dialogue, la parole.
Je rappelle l’étymologie du mot « autorité » : auteur, garant, autorisation, altérité.
 
Les jeux fondamentaux sont des jeux de mystère :
Le jeu est mystérieux parce qu’il engage quelque chose du désir. Sans mystère, il n’y a pas possibilité d’engager une curiosité qui cherche à éclaircir ce qui demeure obscur au-delà même de ce qu’on voit. Ce temps est tout à fait essentiel, puisque c’est ce que l’on perçoit de ce qui est au-delà de ce que je peux voir, qui va engager la motricité à chercher à accéder à l’invisible de l’objet.
On ne peut apprendre que par le mystère, que par l’opacité, c’est-à-dire par un enseignement qui relève d’une poétique, d’un art plutôt que de la science. On apprend à écouter, à regarder, à parler avec art et non pas avec science.
 
Le jeu, activité symbolique, est une action libre :
 
L’avantage du jeu est de pouvoir rater. On peut s’essayer. Il est support de désir.
Le jeu n’est jamais grave. L’expression « ce n’est pas grave » accompagne le jeu.
Le jeu rompt les habitudes. Il faut qu’il y ait du chaos pour qu’un ordre se réinstalle, des ruptures d’habitude, pour que nos sens puissent de nouveau se mettre en place.
Il suffit de se reporter aux travaux de Prygogine qui, dans ses « Structures Dissipatives », définit le chaos comme une apparence de désordre.
« L’ordre du chaos » constitue en fait un système très structuré. Dans ce domaine non-linéaire, il y a création d’une nouvelle dynamique.
 
Le jeu est décalage :
 
Le jeu dramatique permet un décalage.
Le changement de rôle s’inspire du dialogue socratique: « Une rencontre à deux, oeil à oeil, face à face. Et quand vous serez tout près, je vous retirerai vos yeux et les mettrai à la place des miens, et vous retirerez mes yeux et les mettrez à la place des vôtres; alors je vous regarderai avec vos yeux et vous me regarderez avec les miens ».
En psychodrame, le corps est représenté par le langage.
Le psychodramatiste est auditeur – spectateur qui permet de donner corps au mot.
L’intérêt principal du travail de représentation n’est pas seulement dans les vertus de dialogue des propos qui libèrent l’expression. L’intérêt essentiel est clinique : la fonction poétique ouvre à la démultiplication du sujet.
 
Le jeu est gratuit :
Le jeu ne sert à rien, il est gratuit, mais  il a des répercussions sur notre liberté future.
Jouer procure une richesse d’émotions, de messages reçus et envoyés aux autres enfants et aux adultes. Les apprentissages sont des carcans. A ce niveau on pourrait arrêter nos analyses sur la « violence institutionnelle » mais cela fera partie d’un autre exposé. Le jeu est trouvaille et retrouvailles.

Glossary of Morenean terms

 Action or Enactment: the part of psychodrama when a situation or conflict is actually represented on stage, after discussion. People are encouraged to portray their life situations in dramatic form, to physically enact encounters and conflicts that exist only in their memories or fantasies. Thus the person whose situation is the focus of the group, the protagonist, is helped to experience the working out and working through of the attitudes and feelings involved, whether they be in the past, the present, or the future. The enactment takes place only after an appropriate warm-up and is followed by a post-action or sharing period. For Moreno, reliving a situation, the loss of a loved one, for example, allows not only for insight, but gives a proper distance to an event that can be looked at in a less dramatic or pathetic way when experienced a second time around.

 

Auxiliary ego or Ego auxiliary: a person from the group, either a co-therapist or a participant, who plays a role in someone’s else psychodrama; this person contributes to the enactment of a scene by playing an active role. For example, in a scene where the mother of a protagonist is needed, someone, under the direction of the protagonist and the director, will play her role. The auxiliary ego has to follow the indications of the director, since their role is ‘servicing’ the therapeutic needs of the protagonist. The phenomenon of tele often plays an important role in the choice by a protagonist of an auxiliary ego.

 

Axiodrama: drama that is based on exploration of social ethical values, and developed by Moreno as a way to do away with cultural conserves. Moreno published axiodramatic protocols,to illustrate this concept: the best known is the one where a spectator in a theatre confronts an actor playing the role of Zarathustra. The ultimate aim of this axiodrama is to force everyone, the actor, the director, the writer, and even the psectator, to let out his true ‘self’, rather than hide behind a mask or a role. Another axiodramatic protocol describes a confrontation with a priest who is forced to deliver his sermon on the street, rather than in church. Moreno saw axiodrama as the first stage in the development of sociodrama and psychodrama.

 

Chorus: the audience or a sub-group of auxiliaries are instructed to repeat certain phrases or amplify certain feelings as if they were the modern equivalent of the ancient Greek chorus. Repeating the haunting reproaches, doubts, or other anxiety-provoking words or lines, can deepen the protagonist’s experience. Confronting or supportive statements may be used depending on the actual psychological state or process, or the protagonist’s therapeutic needs.

 

Co-unconscious: see tele

 

Cultural conserve: the finished product of a creative effort. For example: a book, a play, a symphony. Moreno devoted a lot of effort to doing away with cultural conserves, especially in the field of theatre. He saw cultural conserves as a barrier to creativity and hoped to substitute a new, spontaneous way of behaving.

 

Director: in psychodrama or sociodrama, the leader or therapist is referred to as the director. In developing psychodrama technique, Moreno used theatre vocabulary. It gives some indication of the role or function of the person who creates and guarantees the group a safe place to explore a life situation. The director takes charge of the group, leads the psychotherapeutic session according to the rules and techniques of psychodrama, and has the responsibility of ensuring proper follow-up. The director has a more active and directive role than in psychoanalysis, for example, while minimizing the transference process.

 

Double: a person who plays the role, or an aspect of the role, of the protagonist. The protagonist sometimes needs a person who stands in for him or her, who plays him or her, who ‘doubles’ for him or her. This person, an auxiliary ego, can either be a trained therapist or a participant from the group. An example of the use of a double would be the following: an inhibited adolescent cannot let out his aggressivity, following a humiliating scene with his father; a ‘double’, in touch with the repressed aggressivity, is called to stand in for the adolescent. As the double plays the part, the adolescent, warmed-up to his anger, joins in, hence the need for the ‘double’ becomes superfluous.

 

Enactment: see Action. ‘in situ’: Moreno suggested that psychodrama should be applied in the very situation and place where the conflict might be occurring, ‘on the spot’ so to speak. This might be in the home, on the school yard, at work, or on the street. The idea of doing family therapy in the family’s home is one example of this idea, though Moreno would probably have the family use the kitchen and bedrooms to enact scenes as well as the living room. Moreno felt that Freud saw his patients in an ‘artificial setting’. In psychodrama, even though the action takes place on the stage, a good deal of time is taken for the protagonist to recapture the concrete elements of the setting, and he or she is invited to describe them in detail to allow the director to come as close as possible to replaying the exact details of a scene, as if ‘in situ’.

 

Mirror: the protagonist may be unable to represent himself, or the director may want the protagonist to gain some distance or insight: in such a case, the director could use the mirror technique: essentially, the protagonist is asked to remain seated and watch an auxiliary ego representing him in words and action. The auxiliary ego re-enacts the protagonist, copying his behaviour and trying to express his feelings in words and movement, showing the protagonist ‘as if in a mirror’. The auxiliary ego aims at as close a representation of the protagonist as possible, a type of ‘video playback’. However, there might be situations when the mirror is consciously exaggerated, employing the technique of deliberate distortion in order to arouse the protagonist, so that he or she changes from a passive spectator into an active participant, an actor, correcting the enactment and interpretation.

 

Protagonist: the person whose life, or aspects of it, is being explored through a psychodrama session. This person is then playing the principal role in an enactment from the psychotherapeutic point of view, even though the role played by the person may be secondary to that of other participants in the scene. The protagonist is often selected during, and as part of, the warm-up in the actual psychodrama session.

 

Psychodrama: a therapeutic method developed by Moreno consisting of exploring life situations and conflicts by enacting them rather than talking about them. Psychodrama aims at uncovering the ‘truth’ of each person’s life in relation to other people and the environment. A psychodrama ‘session’ is divided into three parts: warm-up, action or enactment, and sharing, and calls for the use of numerous techniques, including doubling, role reversal, mirroring, chorus, soliloquy. Different types of psychodrama were developed by Moreno, including the spontaneous psychodrama, the planned psychodrama and the rehearsed psychodrama. Even though psychodrama is usually done within a group of participants, individual psychodrama has also been developed, especially in cases of severe mental illness.

 

Role reversal: a participant in a psychodrama or sociodrama, especially the protagonist, changes role with someone else in order to gain perspective and look at a situation from the other’s point of view. The protagonist, a son for example, in an interpersonal situation with his mother, ‘steps into his mother’s shoes’ while the mother steps into those of her son. The mother may be the real mother, as is done in psychodrama ‘in situ’, or may be represented by an auxiliary ego. In role reversal, the son is now enacting the mother, the mother enacting the son. Distortions of interpersonal perception can be brought to the surface, explored, and corrected in action. The son, who is still himself, must now warm-up to how his mother may be feeling and perceiving himself; the mother, now the son, goes through the same process. Role reversal was for Moreno the single most important technique of psychodrama and sociodrama, the one that allows everyone to understand everyone else’s inner world. It requires a capacity for empathy, but goes one step further by enacting the other person’s world.

 

Sharing: the third part of a psychodrama or sociodrama session when everyone, from the protagonist to members of the audience, is invited to share their experience of the just-finished enactment. What is shared is everyone’s feelings and thoughts, not interpretations and explanations. Through the sharing, people can become aware of their identification with certain roles and other people in the group. It often leads to insight or to the enactment of another member’s own psychodrarna. The sharing on the part of the auxiliary egos is especially important because they have been cast sometimes in good, warm, and supporting roles, and sometimes as the villains of the scene. The phenomenon of tele is an important factor in the process of choosing someone for a role and needs to be acknowledged.

 

Social atom: the representation or configuration of all the meaningful relationships in one person’s life. For example, a person’s social atom could include a spouse, family, friends, co-workers, possibly even a pet or a deceased relative who still carries meaning for him. The social atom can be represented in graphic terms, identifying significant relationships, past or present, in terms of intensity and/or distance. The development of the genogram was greatly influenced by Moreno’s concept of the social atom.

 

Sociodrama: a psychodramatic treatment of social problems developed by Moreno and subdivided in the same way as psychodrama into spontaneous, planned, and rehearsed categories. It is different from a ‘social drama’, the product of an individual playwright only vaguely or indirectly related to the audience and the playwright himself. ‘West Side Story is a good example of a representation of a social drama. The difference between psychodrama and sociodrama is one of structure and objective. Psychodrama deals with a problem in which a single individual or a group of individuals (family psychodrama) are privately involved. Sociodrama deals with problems in which the collective aspect of the problem is put in the foreground, the private relation in the background. A good example of sociodrama is the exploration with a group of black and white people of racial problems. In sociodrama, subgroups are ‘protagonists’; the session includes warm-up, action and sharing.

 

Sociometry: a scientific method whose purpose is the measure of interpersonal relationships in a group. It involves the study of psychological properties of populations through the use of experimental methods and the representation of results by way of mathematical formulae and/or graphs. By this means the rules and laws of interpersonal relationships in a particular situation can be deduced.

 

Soliloquy: a protagonist shares thoughts or feelings that he or she normally keeps inside or suppresses, as an aside. For example, the director may suggest to a protagonist about to meet his dying mother in the course of a psychodrama: ‘Before we enter the room, lets take a little walk, and tell me what is going on inside as you are about to enter your mother’s room.’ The protagonist then says aloud what he or she thinks and feels. This may give the protagonist or the director new insights, may be useful as a warm-up for a future real meeting between the protagonist and his dying mother, etc.

 

Spontaneity: the capacity of an individual to give an adequate response to Glossary of Morenean terms 159F a new situation, or a new response to an old situation. In other words, the response of the individual is based on what is required now, and not on what he learned in the past, applied almost blindly in every situation, all the time. Moreno links the capacity for a person to be creative to the capacity to maintain or regain a spontaneous state. Children, ‘unspoiled’ by conventions, cultural conserves, or stereotypes are Moreno’s models of spontaneity.

 

Stage: a place designed and reserved for psychodrama sessions. Since everyone is a participant in a session, being a member of the audience or the protagonist, the stage could be seen, as in Moreno’s first model, as the whole theatre. In a more restricted sense, the stage is that portion of the theatre where the protagonist stands and enacts a particular situation. There have been different models for stages, but the ones used by Moreno usually had different levels, representing various degrees of involvement, and a balcony. In a psychodrama ‘in situ’ the real place of action becomes the stage.

 

Surplus-reality: that realm of dramatic action in which the ideas of the mind can find a proper expression. Thus, events of science fiction, fantasy, and the emotional happening that we fear or yearn for, can be vividly experienced in an imaginative realm created as a space for their manifestation. In other words, surplus-reality is reality modified, amplified, or minimized by one’s imagination. In psychodrama, as in reality, people are invited to add to life, to make it better or ‘larger’ since this process may help them to change their perspective on reality. This ‘supplement’ to reality can be used in ‘real life’ insofar as it does not create or represent a loss of contact with reality.

 

Tele: according to Moreno, tele is the factor responsible for the degree of reality of social configurations as they deviate from chance. Gordon AlIport defines tele as insight into, appreciation of and feeling for the actual make-up of another person. In operational terms, tele could be seen as immediate, non-verbal communication (for example, the unspoken factors that draw two strangers together in a crowd); or unconscious ties of a reciprocal nature (for example, in psychodrama a man would choose another participant to play the role of his mother and she would ‘know’ that he was going to chose her). Tele is an essential factor in group work for ultimately it allows people to become aware of their identification and transference dynamics.

(1989) The main sources for the definitions or explanations are: Anne Ancelin-Schutzenberger: Precis de psychodrame; Adam Blatner: Psychodrama; Rene’ F. Marineau: Ainsi parle Jacob Levy Moreno; J.L. Moreno: Psychodrama, Volume 3.