Le psychodrame à l’attention d’alcooliques

Si l’on admet que les brumes de l’alcool diluent toujours plus le flou identitaire et relationnel et incite à fuir encore davantage ses responsabilités, alors le psychodrame permet d’explorer et d’apprivoiser cette complexité.
L’alcool renforce la sensation de vivre dans un monde fusionnel et donne l’impression d’avoir le « courage » d’affronter les affres de la vie. Cependant, les lendemains d’ivresse qui déchantent font ressurgir un monde encore plus insaisissable, donc plus angoissant et dans la mesure où l’on se sent incapable d’y faire face – plus culpabilisant.
Le cercle vicieux de l’addiction s’installe, entraînant la détérioration des liens affectifs, sociaux et professionnels. L’approche thérapeutique s’avère délicate, l’alcoolique oscillant entre régression fusionnelle, exhibitionnisme et rationalisme. Les psychothérapies classiques (face-à-face, psychanalyse) sont dès lors vécues comme trop frustrantes.
Le psychodrame en groupe fonctionne comme une alternative prudente et propose de travailler les décalages entre les images négatives ou mal définies de soi et celles, plus positives, renvoyées par les autres membres du groupe.
Il est possible, grâce à une approche « totale » (parole, corps, action) de désaliéner le discours, c’est-à-dire de restaurer son image, qui sera négociée entre la perception de soi et celle du groupe. Quitter une pseudo-identité afin de pouvoir renouer avec la réalité. Chaque thème travaillé dans le groupe est rassembleur, dans la mesure où les problématiques alcooliques sont relativement proches. Le travail par le psychodrame mobilise ce qui échappe à la symbolisation chez chaque participant.
Il est souvent plus facile de repérer chez d’autres membres du groupe ce que l’on refuse de reconnaître en soi. Jouer au service du protagoniste augmente l’estime de soi et pave la voie vers l’acceptation d’une prise de responsabilités.
Ainsi, le travail de groupe satisfait un besoin fondamental de fusion chez l’alcoolique, mais les règles rigoureuses qui encadrent le psychodrame permettent d’aborder l’authentique, la limite et la prise de responsabilités.