Le psychodrame pour couple

Les difficultés de couples sont un des points de départ du psychodrame. Dans les années 1920, Moreno voulait révolutionner le théâtre. Au sein de sa troupe, Barbara, jeune actrice, douce et féminine, remporte un vif succès dans ses rôles d’ingénue. Mais à la maison les choses sont bien différentes au point qu’un jour son mari Georges, également acteur, confie à Moreno qu’en privé Barbara est tout le contraire de l’ange qu’elle est sur scène. A la moindre occasion, c’est une furie qui l’invective et l’insulte.

Moreno demande alors à Barbara de jouer non plus les ingénues mais les femmes brutales et ordurières ou les prostituées mal embouchées. Pour le plus grand plaisir du public, elle le fait avec beaucoup de naturel ; mais surtout, au fur et à mesure des représentations, sa vie de couple se voit modifiée. Son mari dira qu’à l’approche de la colère « elle se met tout à coup à sourire parce qu’elle se souvient d’une situation du même type qu’elle a joué sur scène et je ris moi aussi pour la même raison ».

Cet épisode constitue un passage du théâtre au psychodrame. Par la suite, Moreno travaillera avec d’autres couples – pas toujours avec le même succès d’ailleurs – et, peu à peu, il quittera le théâtre de l’impromptu pour forger le psychodrame.

Aujourd’hui, dans la même veine, des psychodramatistes proposent des groupes de couples où les difficultés relationnelles sont évoquées par les participants, ou encore sont reprises des « scènes de ménage ». Chacun sait à quel point ces moments, aux scénarios bien huilés, à l’emphase parfois théâtrale constituent des moments qui cristallisent les difficultés qui restent non conscientes. Le point de départ de ces jeux peut-être aussi anodin que « C’est toujours moi qui sort les poubelles… Oui mais qui s’occupe des enfants ? Et depuis quand n’as-tu pas fait la lessive ? » Etc…

Dans tout psychodrame, pas seulement de couple, il ne s’agit pas seulement de prendre des rôles et d’expérimenter des situations nouvelles, il s’agit aussi de renverser de rôle. A un certain moment du jeu, dans la scène de ménage, le mari prendra la place de son épouse et vice versa. Il en est de même dans d’autres groupes où le protagoniste père changera de rôle avec le participant qui, par exemple, joue le rôle de son fils. Prendre dans un jeu la place de l’autre est un des ressorts extrêmement puissant qui de plus amplifie fortement l’empathie.

Bien avant d’avoir pu mettre au point le psychodrame, Moreno en avait l’intuition, il écrivait déjà en 1914, dans le Motto de la rencontre :
« Je t’arracherai les yeux / et les mettrai à la place des miens / et tu m’arracheras mes yeux / et les mettrais à la place des tiens […]
« Et je verrai le monde par tes yeux / et tu le verras par les miens / dans un échange vrai / et nous nous rencontrerons. »