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POURQUOI LE GROUPE EN PSYCHOTHERAPIE PSYCHODRAMATIQUE ET QUELLES EN SONT SES INDICATIONS ?

Le groupe est une force pour certaines personnes. Il est indiqué pour certaines personnes qui éprouvent des difficultés en situations individuelles vécues comme frontales parfois, qui ne sentent pas prêtes pour une analyse individuelle, qui ne demandent pas cette forme duelle de thérapie. Dans la mesure où certaines personnes n’ont pas accès facilement à une élaboration psychique par la parole, la représentation jouée dans un groupe de thérapie permet un travail sur soi à partir du ressenti, des émotions et impressions. On n’est pas seul avec ses difficultés. Celles-ci peuvent être partagées. Dans le groupe la personne n’est pas renvoyée à sa déficience, à sa difficulté à gérer seul son monde interne mais elle est accompagnée dans cette partie d’elle même pour en faire tout de suite, dans l’ici et maintenant, quelque chose d’autre. Le groupe, espace tiers de « confrontation » et cadré, libère la parole. Les mots et les émotions reliés aux gestes peuvent y être décodés. Dans cet espace tampon ou amortisseur, ce sas de décompression, les sensations éprouvées et les mots vont mettre du lien et donner du sens. Corps et psyché peuvent s’ordonner et une activité de pensée peut mieux prendre sa place. Le groupe, matrice à tricoter des liens, permet de retrouver une certaine unité et un espace psychique propre. Grâce à un autre, on passe dans une nouvelle perspective de communication. Chaque participant devient « co-thérapeute » de l’autre. L’identification à un semblable permet dans le cadre de l’enveloppe du groupe, d’aller mieux. Mais « le psychodrame ne représente pas seulement la possibilité d’explorer les conflits intra-psychiques. En stimulant la participation rythmique à la matrice communicationnelle d’ensemble, qu’ensemble les participants sont en train de constituer, il permet à chacun une renarcissisation énergétique. » Par la verbalisation des éprouvés, le groupe devient une enveloppe corporelle pour chacun. Cette enveloppe du groupe renforce l’enveloppe individuelle défaillante. « L’enveloppe accomplit une fonction de transformation : mutatis mutandis, le groupe comme enveloppe est un appareil de la formation et de la transformation de la réalité psychique ». La mise en scène de ses sensations apporte du contenant et les échos de chacun : souvenirs, images, scènes vécues, associations diverses. Le groupe thérapeutique favorise les échanges dans un cadre structuré, remet en circulation les émotions, les pensées et la parole. Il permet de différer et de réinstaurer du temps et de l’espace pour soi. Le but final est de permettre une meilleure autonomie psychique où il n’est plus question de se satisfaire uniquement d’être porté mais de trouver du plaisir à porter et à se transporter soi-même dans une mise en pro-jet ! (*)

(*) « Subjectif désigne à la fois la faille et le saut, l’obstacle et le jet », P. Fédida. « L’objeu », dans L’absence, Paris, Gallimard, 1978. !

LES AVANTAGES DU GROUPE:

Le groupe doit être une indication posée et non un résidu d’une institution par exemple. La personne y est mise en interaction avec d’autres. L’espace proposé n’entre pas en rivalité avec les espaces familiaux conflictuels. Il s’agit non pas d’être hors de la parole mais de la prendre comme support sans risque de déclencher un acte. Il s’agit de trouver la bonne distance, soit une stratégie de détour qui n’attaque pas directement les symptômes (ex ; difficultés scolaires), qui respecte les défenses, contourne les résistances et élit une proposition thérapeutique. Le groupe propose un cadre défini rigoureusement de l’intérieur duquel grâce à une bonne distance, le sujet pourra effectuer un parcours symbolique thérapeutique. Le groupe est révélateur. Il permet l’émergence des demandes. Le travail sur le fonctionnement groupal a des effets sur le fonctionnement du groupe. Par exemple les enfants à qui on parle ça parle. Si on les regarde sans parler ça agit. Le groupe permet une enveloppe, un espace potentiel qui donne du possible. Il constitue une matrice, un claustrum où s’y protéger et trouver une certaine chaleur. Ce contenant permet l’analyse du contenu. Quelque chose va s’inventer parce que des personnes se mettent ensemble. Le groupe est co-thérapeutique en soi. Cet espace psychique commun permet le passage de l’angoisse à la verbalisation, de contenir les fantasmes destructeurs afin de les travailler ensuite. Cette mise en activité directe des psychismes entre eux, par des mouvements de liaison et de déliaison, ouvre la voie à la transmission des contenus représentatifs internes vers l’autre avec un impact de retour.

ESPACE DE MEDIATION :

C’est un espace où nous pouvons y affronter toutes les sortes de menaces qui pèsent sur nous, tout en étant hors menace. Le groupe thérapeutique, en raison de son cadre et de ses règles de fonctionnement, est un lieu dont on peut dire qu’on s’y confronte avec des problèmes qui déstabilisent, tout en entrant dans un processus de structuration. L’espace de médiation est un jeu de miroir : un espace renvoie à l’autre qui renvoie à un troisième…Mais cet espace les contient tous et permet de les situer d’un seul tenant dans leurs divergences ou non-convergences. Comment intégrer les ruptures, cassures et traumas ? Ce lieu amène la transformation de l’insupportable en supportable. Qu’une chose impensable trouve des mots, c’est déjà un travail de médiation. Dans médiation, il y a média, médium, et un philosophe aujourd’hui disparu, Vladimir Jankélévitch, a beaucoup écrit sur le problème du « médiat » et de l’immédiat. La médiation nous protège de l’immédiat, elle nous protège d’un contact direct. L’immédiat, au sens étymologique, serait de l’ordre de la violence, de l’action directe. (…) La médiation permet que l’on passe en quelque sorte de deux (la relation duelle) à trois. Le troisième terme n’est pas un sujet, car on parlerait alors de médiateur, mais c’est un objet, un support, une substance, quelque chose d’inanimé mais qui va faire changer la nature de la relation intersubjective.

ESPACE DE TRADUCTION :

Dans le groupe le psychodramatiste aura à faciliter un travail de traduction par la parole. Il se situe comme un auxiliaire à la traduction. « Cette activité traductrice évoque bien plutôt ici l’interprétation maternelle primaire qui anticipe la capacité de l’infans à nommer ses propres éprouvés » . Le thérapeute se laissera conjointement aller avec spontanéité à sa propre capacité de rêver et de jouer, sans se laisser pour autant déloger de la position tierce qui peut seule lui permettre une écoute et une activité interprétantes.

ESPACE POTENTIEL DE JEU :

L’aire de jeu est une aire neutre d’expérience où l’action structurée reste observable par le Moi. C’est une aire intermédiaire qui, par la symbolisation, permet le désillusionnement, le sevrage et l’acceptation de la réalité. Celle-ci, parfois très dure, est soulagée par l’aire intermédiaire. C’est une aire transitionnelle qui sépare et unit. C’est un lieu privilégié d’expression, de création et de surprise. C’est un lieu protégeant la relation où peut advenir un espace potentiel de liberté, de communication qui permet de jouer et d’évoluer créativement. « L’aire de jeu ne relève ni de la réalité psychique intérieure ni de la réalité extérieure » nous précise WinnicottD.(*).C’est un lieu de symboles. Le symbole anime et concrétise les choses. Le mot symbole vient du grec signifiant : « Jeter ensemble, réunir, intégrer » d’où la fonction d’intégration que joue la fonction symbolique. C’est sur le symbole que s’édifie la relation du sujet au monde extérieur et à la réalité en général. Jouer, c’est faire. Le jeu introduit au langage. Il permet à certaines personnes, chez qui le « faire » est plus facile que le « dire », d’arriver à un « dire » efficace c’est-à-dire non plus comme faisant partie de l’acte mais comme évocateur de ce dernier. Dans le dispositif psychodramatique « le mélange de souplesse accueillante à l’avènement psychique imprévu, de rigueur et d’autorité tranquille, est en effet ce qui fait défaut au moi des patients auxquels nous offrons le psychodrame, écartelés qu’ils sont entre la rigidité étouffante de leurs clivages et le risque toujours menaçant de confusion et de débordement pulsionnel lorsque ces clivages viennent à « sauter ». C’est cette insécurité qui rend compte de leur incapacité de jouer. C’est pourquoi il faut concevoir l’instauration du dispositif psychodramatique comme une véritable invitation à aborder cette région pour eux inconnue qu’est l’espace potentiel de jeu exempt de danger, rassurant, fiable et source de plaisir, dont nous supposons qu’il leur a cruellement fait défaut dans les temps originaires de la constitution de leur appareil psychique ».

(*)W.Winnicott« Jeu et réalité – L’espace potentiel -», p. 73.

LA FONCTION PHORIQUE, SEMAPHORIQUE, METAPHORIQUE ET EUPHORIQUE DU GROUPE :

Le terme de fonction phorique vient du grec « phoros » qui veut dire « qui porte ». il s’agit de désigner une fonction de portage. Il s’agit pour un enfant d’être porté, physiquement certainement, mais aussi psychiquement. Mais ce qui peut paraître évident pour un enfant reste valable tout au long de la vie. Les adultes aussi ont besoin d’être portés, la plupart du temps psychiquement. Cette nécessité qui nous accompagne tout au long de notre vie est archaïque. En effet, la peur la plus originaire est celle du lâchage, celle du déséquilibre et de la chute. Observée chez le nourrisson, on en retrouve des traces dans le langage courant quand on craint de « tomber malade » ou que l’on a peur qu’on vous « laisse tomber ». « La fonction phorique est donc censée assurer la sécurité de base d’abord, en première apparence, par le portage physique de la grossesse et du maternage. Le portage est tout aussi bien et d’emblée psychique. » Cette fonction phorique est à rapprocher de la notion de « holding » de D.W. Winnicott. Précisons que les défauts de la fonction phorique viennent résonner avec tout le registre des troubles du contact. Le sémaphore, quant à lui, est à l’origine une invention qui permet de communiquer à distance, d’un poste à un autre, en échangeant des messages à partir de combinaisons de signaux optiques. En grec, « sema » c’est le signe. Le sémaphore est donc ce qui porte le signe. « D’être porté (c’est la fonction phorique), l’enfant va passer à la fonction métaphorique quand il va prendre conscience qu’il n’a même plus besoin de se déplacer, qu’il suffit qu’il se déplace avec sa pensée, avec le langage ». C’est aussi à partir de la fonction métaphorique, du dégagement d’un nouveau point de vue, d’une perception nouvelle, autre que de nouvelles pistes peuvent être suivies et que des nouvelles décisions vont être prises. La métaphore est avant tout déplacement, décalage, dégagement d’un sens nouveau ou d’une vision d’un problème. Elle a un effet de jaillissement. « La fonction métaphorique a quelque chose d’une fonction euphorique. L’étymologie de l’euphorie vient du grec. « Euphorique », en grec, veut dire « bien se porter ». On voit dès lors comment l’efficacité de la fonction métaphorique vient renforcer celle de la fonction phorique dans une sorte de bouclage des trois fonctions, puisque la production des métaphores génère un meilleur portage.

LE GROUPE A L’ORIGINE DE LA PSYCHOTHERAPIE ! :

« Les potentialités résolutives et métabolisatrices que comporte le groupe s’expriment à des degrés distincts : comme dépôt et cadre psychiques externalisés ; comme pare-excitation et contention ; comme appareil de transformation psychique à travers les effets métaboliques que produit l’investissement de la psyché du sujet par plus-d’un-autre sujet. » « Cette aptitude psychothérapeutique et psychoprophylactique du groupe s’inscrit de longue date dans l’histoire des sociétés humaines, et la psychothérapie est initialement une thérapie par le groupe, une thérapie en groupe (en Grèce) et une thérapie du groupe (en Afrique). » « La sociabilité n’est pas une dimension que l’être humain acquiert progressivement. Elle n’est pas une dimension secondaire mais originaire, constitutive de sa psyché. La « groupalité » est en nous avant que le « je » ne soit formé et les croyances, les valeurs, les mythes et les idéologies de base qui marquent la socialisation et l’adaptation au groupe se conjugent dans le moi sur des tréfonds co-soïques propres à cette appatenance. »

Références:

Ophélia Avron, La pensée scénique,p.9.Ed.Eres.Paris 1996.

René Kaës, La parole et le lien, p.173.Ed. Dunod, Paris, 1994.

Jean-Marc Dupeu,L’intérêt du psychodrame analytique.P.249..Ed. PUF.Paris 2005.

Jacques Michelet, Handicap mental et techniques du psychodrame. P.21.Ed. L’harmattan,. Paris 2008.

Jean-Marc Dupeu, L’intérêt du psychodrame analytique.P.31.Ed. PUF. Paris 2005.

Didier Robin, Dépasser les souffrances institutionnelles.p.170.Ed. PUF. Paris 2013.

Ibidem.p.181. Ibidem. P.185.

René Kaës, La parole et le lien, p.168..Ed. Dunod, Paris, 1994.

Ibidem.p.168.

Le Co-Soi et la groupalité psychique. Exposé d’Ada Abraham, 25/04/1983.21 Herestraat Leuven chez Pierre Fontaine. Réf. Abraham,A.1994. « Le cosoi ou le syntéisme primaire ». Les voies de la psyché. Paris. Dunod.